Drouot, 14 février 2023 à 14:00

Yann Le Mouel

ART MODERNE

Vente 14 février 2023 à Drouot

dont deux œuvres par Armand Guillaumin
adjugées 123 000 € et 15 500 €

une par Charles Camoin
adjugée 146 000 €

et une par Henry Moret
adjugée 70 000 €

Lot 89
Armand GUILLAUMIN (1841-1927)
Femme et enfant dans un paysage, 1890
Huile sur toile
Signée en bas à droite et datée
82 x 65 cm
40 000 – 60 000€

Sera reproduit au second volume du Catalogue Raisonné Armand Guillaumin, actuellement en préparation par le Comité Guillaumin (Stéphanie Chardeau-Botteri, Dominique Fabiani, Jacques de la Béraudière).

Un certificat en date du 3 octobre 2022 sera remis à la charge de l’acquéreur.

Exposition :
Salon des Indépendants, 1890, n° 416 du livret (titré « Femme et enfant dans une prairie ».

Adhérant au mouvement impressionniste dès ses débuts, Guillaumin participe à six expositions sur les huit qui se tiennent entre 1874 et 1886 (absent de celles de 1876 et 1879 en raison de l’hostilité de Caillebotte).
Quinze ans après la première exposition impressionniste la bonne fortune de ces peintres novateurs est mitigée. Non sans difficulté, Monet parvient, grâce à sa notoriété, à faire entrer par souscription « Olympia » d’Edouard Manet au Musée du Luxembourg.
De condition modeste, Guillaumin se doit d’exposer le plus de tableaux possibles aux cimaises des Salons pour des impératifs commerciaux (voir la notice en p. 22 n° 92). Ainsi ce n’est pas moins de dix peintures qu’il présente au Salon des Indépendants de 1890 (notre tableau sous le n° 416).
Fondé en 1884 par Seurat, Dubois-Pillet, Signac, Redon, le Salon des Indépendants est basé sur la suppression du Jury d’admission afin de permettre aux artistes de présenter librement le œuvres au jugement du public.
En 1890, les Indépendants accueillent dans quatre salles du Pavillon des Champs- Élysées les Refusés du Salon officiel, l’une des salles étant réservée aux Impressionnistes et Néo-impressionnistes.
Y sont exposées des œuvres de Seurat (« Le Chahut »), Signac, Van Rysselberghe, Angrand, Toulouse-Lautrec (« Valentin le Désossé au Moulin Rouge »), Van Gogh (« Tournesols ») ainsi que notre tableau de Guillaumin sous le titre « Femme et enfant dans la prairie ».

En 1890, Claude Monet est à Giverny. Moins installé, Guillaumin quitte l’Essonne pour des vacances à Pontgibaud, patrie de sa mère, puis à Pontcharra dans le Dauphiné.
Les deux artistes ont en commun le goût de la peinture en plein air, face au motif, se refusant à « donner une touche ailleurs que sur la nature ». Ils partagent le traitement nettement coloré des ombres sans recours au noir, le rendu de la lumière, la dissolution de la forme et du motif, l’application des taches de couleurs indépendantes du réel, le mouvement ondoyant des arbres et de l’herbe, la recherche d’une symphonie d’harmonies colorées et émotionnelles …
L’esprit intimiste de notre tableau est conforté par la présence centrale d’une mère et de son enfant, probablement Madame Guillaumin et sa fille Madeleine-Julie âgée de 3 ans.
Une nature accueillante accompagne cette romance familiale heureuse.

 

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Charles CAMOIN

Lot 90
Charles CAMOIN (1879-1965)
Le Port de la Ponche, Saint Tropez, 1905
Huile sur toile
Signée en bas à droite
60 x 73 cm
40 000 – 60 000 €

Provenance :
Vente Me Benoist, Hôtel Drouot, Paris, 27/12/1921, n° 15 (titré « Un coin de port à Saint Tropez »).

Bibliographie :
« Charles Camoin, Rétrospective 1879-1965 », RMN, 1997, p. 40.

En 1904, sur les conseils de Cézanne qu’il fréquente régulièrement, Charles Camoin visite Claude Monet à Giverny devant les nymphéas. Belle rencontre pour ce jeune peintre fraichement sorti de l’atelier de Gustave Moreau que d’être en plus remarqué par Berthe Weill qui l’expose sur les cimaises de sa galerie avec Puy, Marquet, Manguin, Matisse … Par la suite s’adjoindra au groupe, Girieud, Derain, Vlaminck, Dufy, Van Dongen … qu’Appolinaire qualifiera de « Jeunes remuants » (cf. : voir « Berthe Weill, pan dans l’œil », L’échelle de Jacob, 2021).
En 1905, Camoin et Marquet, entraînés par Signac, viennent pour la première fois à Saint Tropez et logent à l’Hôtel Sube dont les fenêtres donnent sur le port.
La rupture avec l’Impressionnisme et le Néo-impressionnisme est consommée avec l’abandon du modelé et le rejet de toute imitation de la réalité extérieure. La composition de leurs tableaux est bâtie sur l’organisation d’éléments plastiques indépendants d’un visuel strictement respecté. Leurs tableaux se veulent « une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblé ».
Les détails sont remplacés par des contrastes de couleurs, la touche est lâche, rapidement brossée, les fonds sont fluides et l’écriture picturale proche de l’esquisse. Les teintes vives et franches, appliquées en larges plages colorées en aplats sont imbriquées les unes dans les autres sans soucis du modelé et de la profondeur.

En 1905, le Salon d’Automne ouvre ses portes. Dans la salle 7 sont regroupées les œuvres de Derain, Vlaminck, Manguin, Matisse, Girieud … et Camoin y présente 4 tableaux sur les 39 œuvres exposées. Le public se moque avec férocité de ces nouveaux exposants et les critiques d’art ne sont pas en reste. Devant cette avalanche de tons purs et l’audace de la mise en forme, dans
son article publié au Gil Blas du 17 août 1905, Louis Vauxcelles qualifiera l’exposition ainsi « Donatello chez les fauves ».
L’expression fera date, le Fauvisme était né.

 

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Henry MORET

Lot 91
Henry MORET (1856-1913)
Rivière Le Bélon, 1907
Huile sur toile (rentoilée par mesure conservatoire)
Signée en bas à droite et datée
46 x 61
40 000 – 60 000 €

Exposition :
Paris, Galerie Durand-Ruel, « Paysages et marines de Bretagne par Henry Moret » (36 œuvres), 08-27/04/1907, possiblement n° 13 ou n° 20.

Bibliographie :
Jean-Yves Rolland et Marie-Bénédicte Baranger, Henry Moret, éd. Palantines, 2002, p. 114.

Envoyé à Lorient pour son service militaire, Henry Moret est séduit par la Bretagne, son littoral, ses îles, ses paysages et leur nature sauvage. Encouragé par le milieu artistique local, Moret complète son éducation dans l’atelier de Lehmann puis de Jean-Paul Laurens. Cet enseignement académique s’estompe avec la rencontre en 1888 de Gauguin et d’Émile Bernard qui exécutent « Le Talisman » alors qu’ils résident chez Marie Henry à la pension Gloanec. Moret assiste à la naissance du Synthétisme en même temps que Sérusier, Laval, Filiger, Jourdan … qui formeront, autour de Gauguin, le groupe de Pont-Aven.
A compter de 1900 la peinture de Moret évolue et se teinte d’Impressionnisme sans doute sous l’influence de la Galerie Durand-Ruel qui avait exposé la première génération de ces artistes.
Adepte de la peinture en plein air, Moret opère à l’orée du siècle un glissement vers l’univers de Monet et Pissarro utilisant, comme eux, une touche morcelée, en croisillons, délicatement déclinée dans une palette de couleurs complémentaires, chaudes et froides.

 

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Armand GUILLAUMIN

Lot 92
Armand GUILLAUMIN (1841-1927)
Une rue en Ile de France, circa 1873
Huile sur toile. Signée en bas à droite
55 x 46 cm
10 000 – 15 000 €
Rentoilage ancien. Restaurations.

Sera reproduit au second volume du Catalogue Raisonné Armand Guillaumin, actuellement en préparation par le Comité Guillaumin (Stéphanie Chardeau-Botteri, Dominique Fabiani, Jacques de la Béraudière).
Un certificat en date du 3 octobre 2022 sera remis à la charge de l’acquéreur.

Le 1er mai 1873 le Salon Officiel ouvre ses portes aux Champs-Élysées. Les artistes acceptés par le jury du Salon sont principalement académiques : Cabanel, Bonnat, Baudry …
Renoir explique l’importance de ce salon officiel que fréquente près de 300 000 visiteurs dans une lettre adressée à Durand-Ruel : « Il y a à peine quinze collectionneurs capables d’aimer un tableau sans le secours du Salon. Et il y en a 80 000 autres qui n’achèteront pas même une carte postale si le peintre n’y expose pas. »
Sous le règne de Napoléon III, à la demande de nombreux artistes exclus, la création d’un « Salon des Refusés » avait été acceptée. En 1873, Guillaumin, qui survit difficilement, figure parmi les refusés pour deux tableaux en compagnie de Renoir. Le 15 avril 1874, Nadar ouvre ses ateliers boulevard des Capucines à un groupe d’artistes inconnus mais bientôt célèbres : Degas, Cézanne,
Monet, Morisot, Pissarro, Renoir, Sisley et Guillaumin … La première exposition impressionniste vient de se tenir.