Marcel Leprin Catalogue raisonné en préparation

Le Catalogue raisonné de l’Œuvre de Marcel Leprin, réalisé en collaboration avec M. Norbert Hanse, est actuellement en préparation.

 

Leprin naît à Cannes. Très jeune, il est recueilli par des pères Salésiens de Don Bosco, qui, troublés par ses facilités pour le dessin, l’ont initié à la lithographie. Leprin exerce plusieurs métiers, avant d’être enrôlé dans une minuscule troupe de tauromachie qui donne quelques parodies de corrida le dimanche sur des places de villages. Il s’exerce alors à peindre sur des petits formats des sujets tauromachiques.

C’est à cette époque en 1914, que Leprin fait la connaissance de sa femme, Hélène, et qu’il part comme fusilier marin à bord du Waldeck-Rousseau lors de la Première Guerre Mondiale. A son retour en 1919, Hélène a disparu. Leprin conservera toute sa vie une blessure secrète de cet échec sentimental. Il passe les deux années suivantes à Marseille dans le dénuement le plus total.

Recueilli par la famille d’une commerçante, Madame Smadja, Leprin mène une vie désordonnée qui le conduit dans les quartiers chauds de la ville où il perd sa santé. Durant cette période, il brosse de petites pochades représentant des scènes de corrida. Une première exposition le conduit à une commande: la décoration d’un bar de la rue Nationale. Il collabore à une revue de corrida avec un talent inégalé pour rendre l’atmosphère folle et colorée de cette fête du bruit, du mouvement, de la lumière et de la témérité.

L’œuvre majeure de Leprin à Marseille est la décoration du bar  » Pierre « . Quatre murs recouverts de fresques hautes en couleurs dont la principale, longue de sept mètres, représente le panorama du vieux port. Leprin décora aussi une ou deux maisons closes des quartiers chauds. Leprin ne retient de ces thèmes et de leur misère quotidienne que leur contenu humain.

Les toiles de Leprin sont toutes liées à ses différents états d’âme, si bien qu’aucune n’est semblable à l’autre. En quittant Marseille, gravement meurtri, il a déjà jeté les bases de sa renommée.

Période parisienne

En 1921, Leprin tire un trait sur son passé et monte à Paris où il retrouve quelques contacts. Dans une misère toujours aussi poignante, il retrouve à Paris son climat mental et adopte immédiatement les paysages de Montmartre et leur réalité humaine. La misère, plus visible et évidente qu’à Marseille, est plus proche de son cœur.

Il propose des pochades et des pastels aux clients de passage, échange des toiles contre le couvert que lui propose la patronne d’un restaurant,  » la mère Catherine « . Pour elle, il peint des portraits, une nature morte, l’éventaire du débit de tabac, et des paysages de Montmartre d’une grande sobriété, désespérés. Marseille, ses éclats de lumières et ses couleurs étincelantes sont bien loin.

En 1924, il signe un contrat d’exclusivité avec Henri Bureau, encadreur à Montmartre, qui lui propose de l’aider et de favoriser sa carrière. Libéré de contraintes matérielles, Leprin se consacre entièrement à la peinture. Sa première exposition particulière est organisée chez Berthe Weill en 1925.

Période itinérante

En 1926, Leprin quitte Montmartre et sa vie de Bohème pour un périple des villes et villages de France. Ce n’est pourtant pas un peintre de la nature, bien qu’il ait fait quelques tableaux de Chaville en 1922 et des abords de Fouronnes au début de sa période itinérante. Leprin recherche l’intérieur des choses. Il n’accorde que peu d’intérêt à la fuite des saisons.

Seul l’hiver lui convient, lorsque les arbres dénudés racontent leur détresse. Les paysages enneigés, parés d’une nouvelle pureté, sont l’occasion de belles réussites comme « Le pont Moret sous la neige  » , « Le Maquis de Montmartre sous la Neige  » ou encore  » Neige à Menilmontant « .

Cette sortie de Paris éclaire sa palette de nouvelles couleurs. Cette période provinciale révèle aussi chez Leprin un sens exceptionnel de l’architecture qui mêle rigueur et exaltation lyrique. Ce talent particulier éclate avec les tableaux représentant la cathédrale de Meaux, ou l’église de Saint-Père-sous-Vézelay.

Leprin réalise aussi au cours de cette période quelques rares gravures à l’occasion d’un bal qu’il a organisé à Poitiers. Il fait ensuite un séjour à Villiers leBel au cours duquel il peint de grands formats. « L’Eglise de Gonesse  » est exposé au Salon d’Automne de 1927. Son périple l’entraîne aussi à Moret, puis dans l’Yonne, enfin à Fouronnes et à Dunkerque où il peint la fureur du port.

Ses plus belles pièces de 1926 et 1927 sont exposées à la galerie Druet en avril1928. Leprin participe régulièrement au Salon d’Automne ainsi qu’à celui des Indépendants.

En 1929, il repart à Honfleur, traverse la Bourgogne, rentre à Paris pour revoir le Louvre et part de nouveau pour Caen où il réalise en 1930 « Les remparts de Caen « et « Place de l’Église « .

En décembre 1930, Henri Bureau organise pour lui une deuxième exposition à la galerie Druet, rue Royale. Le succès est aussi incontestable que la première fois.

En 1931, Leprin retourne en Normandie. La tournée s’achève mal. Le peintre est malmené par la société bourgeoise de Caen. Découragé il boit et se drogue.

Leprin regagne Paris en 1932 où il est rapidement hospitalisé.

Il décède à l’hôpital Tenon le 27 janvier 1933.

Fulgurance d’une destinée exceptionnelle, celle d’un homme souffrant en son âme et en son être mais dont le regard et la main ont su, au-delà des déchirures de son existence et de son désespoir intime, nous livrer une œuvre d’éternité. La vie de Marcel LEPRIN est marquée par une solitude intérieure, blessure de l’enfance prolongée par les événements de sa propre destinée. Elle est aussi un accomplissement porté par la chaleur d’amitiés sincères qui lui font connaître entre deux précipices le bonheur d’une harmonie rendue inaccessible.

Rigueur, exigence, maîtrise technique, équilibre des compositions, sobriété telles sont les lignes de force de son oeuvre.

Qu’il s’agisse d’exprimer les scènes de corrida, de révéler des lieux pour lui si familiers, de rapporter les émotions de voyage chemins souvent parsemés de villages et d’églises, d’accomplir un portrait fut-il son ombre portée, de nous faire pénétrer dans l’intérieur d’une pièce, LEPRIN nous parle d’abord des hommes et de leur vérité. Les tonalités subtiles d’une lumière maîtrisée où se côtoient des gris et des ocres, des jaunes rendus neutres mais aussi l’exaltation discrète des touches de couleurs vives. La richesse de la matière, qui exprime fluidité et mouvement.

« Dessiner avec de la couleur et non peindre ».

Marseille, Meaux, Avallon, Montmartre, Honfleur, Moret, Caen ; Marcel LEPRIN fait sans conteste partie de la « grande chaîne ». Il est ce maillon solide et discret, « cadeau de quelques-uns fait à la multitude » auquel il aspirait secrètement et dans lequel il voyait son accomplissement

L’œuvre de Leprin, interrompue si prématurément a fait l’objet d’innombrables manifestations posthumes, de 1933 à aujourd’hui. S’il est impossible de toutes les citer, il faut néanmoins mentionner des rétrospectives et des expositions particulières dans les plus grandes galeries de Paris et de Marseille, et des expositions dans les musées de Paris, New-York, Tel Aviv, Turin.

Les toiles de Leprin sont principalement visibles aujourd’hui au Musée National d’Art Moderne et au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, au Musée Carnavalet, au Musée de Montmartre et au Petit Palais de Genève.